Première journée seul. Les rayons du soleil à travers les persiennes sont les mêmes qu’hier. En fait, non. Dans l’appartement conjugal, les volets ne laissaient pas passer la lumière. Il faisait noir, absolument noir. Ici, dans cet appartement qu’on me prête, la lumière entre. Un signe ? Tout m’est étranger mais ce n’est pas désagréable. Je me surprends à apprécier la nouveauté et le retour à une certaine insouciance. Quel plaisir que cet inconfort relatif qui me projette des années en arrière et dans un même temps me pousse en avant. Pas de café tout prêt, pas de tartines grillées. La salle de bain est un peu rustique mais qu’importe ! Ça me rappelle le camping, c’est amusant. Une radio trône sur l’étagère, je l’allume. C’est la première fois que je vais écouter la radio en prenant ma douche, la première fois que j’écoute la radio le matin depuis que je suis parti de chez mes parents. Encore une de ces petites nouveautés que je découvre ou redécouvre, et qui me plaisent. La radio a ce mérite simple de vous donner la sensation de faire partie du monde. Ce n’est pas comme la télévision qui vous hypnotise et vous paralyse. La radio vous accompagne dans vos activités, elle est vivante. Je prends donc ma douche, et là encore je revis. Dans tous les appartements où j’ai vécu il n’y avait que des baignoires. Je hais les baignoires. Chez mes parents il y avait une douche. Du coup, je suis assailli de souvenirs, du parfum de l'enfance, de mon adolescence. Sans nostalgie. Au contraire, je suis regonflé par ces réminiscences. Cette douche est comme une cure de jouvence. Décidément, cette journée commence bien, et jamais je n’aurais pu l’imaginer. Le petit déjeuner est vite expédié. Pas d’abus. Un café, deux tranches de pain, ça suffit. Moins d’une heure après que le radio-réveil se soit mis en marche, j’étais prêt, regonflé à bloc, enthousiaste et volontaire. Personne ne pourrait se douter qu’hier seulement je quittais le domicile conjugal, laissant derrière moi mon fils et ma femme, presque inconscient de ce qui m’arrivait.
Arrivé devant la porte de l’immeuble, je découvre la rue. Ensoleillée, elle est plus accueillante qu’hier, entre chien et loup.